Écrivains à Hollywood : Alastair Reid / Roald Dahl, portrait croisé

L’un est réalisateur , l’autre écrivain , mais tous deux sont réunis par un même film : The Night Digger (1971) . Thriller âpre et sans concession, scénarisé par Roald Dahl et mis en scène par Alastair Reid , ce film marque le spectateur avec son intrigue dérangeante et l’interprétation toute en nuances de ses acteurs : Patricia Neal, Pamela Brown et l’insondable Nicholas Clay , désarmant d’authenticité sous les traits d’un homme aux habitudes pour le moins inhabituelles…

Sueurs froides garanties

Grande Bretagne, au début des années 1970. Vivant ensemble dans une maison reculée, une mère et sa fille cohabitent tant bien que mal, malgré l’animosité qui règne entre elles. Chaque jour Maura (Patricia Neal) subit la véhémence de sa mère adoptive (Pamela Brown), une femme invalide et très dure, qui exerce à son encontre une tyrannie de tous les instants. Mais, lorsque le charismatique Billy Jarvis (Nicholas Clay) s’installe sous leur toit comme homme à tout faire, leur routine s’en trouve bouleversée… au-delà de tout ce qu’elles pouvaient imaginer. Tandis que Maura tombe sous le charme de ce bel inconnu, son comportement et ses inquiétantes activités nocturnes ne vont pas tarder à révéler sa vraie nature.

Une œuvre façonnée à quatre mains

Aussi à l’aise derrière une machine à écrire que Reid aux manettes de sa caméra, Dahl signe le scénario de ce film qui se démarque du Swinging London, courant pop-culturel introduit au cinéma par le Blow-Up d’Antonioni et qui était très en vogue à cette époque outre-Manche. S’il est surtout connu aujourd’hui pour ses livres pour enfants , la littérature de jeunesse n’a pas toujours été le genre de prédilection de l’auteur de Charlie et la chocolaterie . Dans le contexte dystopique de la Guerre du Vietnam, qui rebat les cartes de ce début d’années 1970, la plume de The Night Digger entend faire passer un message aussi mordant que glaçant, en explorant les travers de l’âme humaine via un trio qui n’a rien à envier aux personnages névrosés qui peuplent la filmographie du maître du genre : Alfred Hitchcock.

Dans la veine du cinéaste britannique, il livre une œuvre à la noirceur intense, sublimée par la mise en scène sous haute tension d’Alastair Reid . Devant l’objectif de ce dernier, le fil de l’histoire imaginée par Roald Dahl se déroule au gré des rebondissements et des répliques piquantes qui jalonnent le film. Filmant à hauteur d’homme, Reid ajoute une chape de plomb invisible à l’intrigue et privilégie les plans en intérieur afin de renforcer la sensation d’enfermement des personnages. Un enfermement dans le quotidien de ces deux femmes, mais aussi dans l’engrenage de la situation inéluctable qui les guette. Avec ce film, le cinéaste prouve qu’il maîtrise le difficile exercice du huis clos psychologique , tout en offrant à son public un long métrage à la fois singulier dans son ton et dans sa forme.

Une œuvre rare

Véritable pépite d’un réalisateur dont la filmographie est restée plutôt confidentielle, The Night Digger brille autant dans la carrière de Reid que dans celle de Dahl, dont c’est l’un des rares scénarios auxquels il se sera consacré de A à Z. Un film qui tient autant à cœur de l’homme de cinéma que de l’homme de lettres et qui rappelle que le drame s’impose comme un registre idéal pour donner de l’intensité à des personnages en apparence ordinaires, mais qui renferment en réalité bien des secrets. Entre mystère et suspense, il aborde des thématiques toujours actuelles et ne manquera pas d’entraîner la jeune génération au cœur de l’angoisse grâce à son édition DVD, dans la collection Écrivains à Hollywood des Trésors Warner , disponible sur la boutique officielle en cliquant ici !