Quand l’Amoureuse de Dmytryk fait battre le cœur des cinéphiles

Œuvre rare et singulière, Amoureuse (1946) – Till the End of Time en VO – fait écho à un autre film d’Edward Dmytryk , sorti une dizaine d’années plus tard, Vivre un grand amour (1955). Plus connue, cette seconde romance laissera plus de traces avec une sélection cannoise. Il est toutefois important de se souvenir que les jalons du style sensible et épuré de Dmytryk ont été posés avec le long métrage qu’il tourne au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Dans un contexte de reconstruction, il met en scène l’idylle d’un marine de retour au pays avec la veuve d’un pilote , l’amoureuse du titre. Un mélo qui ne verse pas dans le pathos, à retrouver en DVD dans la collection Trésors – Histoires de guerre .

Edward Dmytryk, réalisateur éconduit

En 1947, Edward Dmytryk goûte à la consécration grâce à la nomination de Feux croisés par l’Académie des Oscars®. L’ancien coursier de la Paramount devenu monteur puis cinéaste prend ainsi sa revanche, entamée un an plus tôt avec Amoureuse . Une victoire au goût amer puisqu’elle est de courte durée. Paradoxalement, ses accointances avec le parti communiste et la défense qu’il adopte maladroitement pour échapper à la commission McCarthy lui valent, coup sur coup, le désaveu des instances américaines et du grand public. Les spectateurs lui reprocheront toujours d’avoir cédé à la pression, à l’instar d’Elia Kazan, oubliant qu’ils avaient été émus devant Amoureuse moins d'un an plus tôt.

Après avoir pris parti contre la folie meurtrière du IIIe Reich dès 1943 avec Les Enfants d'Hitler , Edward Dmytryk s’intéresse à ses conséquences sur les hommes et les femmes directement impactés. On y découvre la passion naissante d’un soldat marqué par les combats pour une femme esseulée en quête de repères. Ces deux êtres brisés se relèveront ensemble du cauchemar dont naît leur histoire d’amour rêvée. Un drame romantique sur les fêlures de la guerre, qui passerait presque inaperçu parmi la cinquantaine de films du cinéaste. Pourtant, cette œuvre est révélatrice de la patte Dmytryk. À une époque où on parlait peu de la délicate réinsertion des militaires dans la vie civile, il aborde une thématique qu’Hal Ashby ( Le Retour ) ou Paul Haggis ( Dans la vallée d'Elah ) s’approprieront avec les guerres du Vietnam et d’Irak.

Adaptation littéraire

Après 10 ans à se roder aux techniques de réalisation, le metteur en scène livre la quintessence de son art en portant à l’écran un scénario écrit par Allen Rivkin , d’après le roman de Niven Busch . Cofondateur de la guilde des scénaristes américains – qui décerne chaque année les fameux WGA Awards – Rivkin est l’auteur du drame historique Sa dernière chance et du film noir En marge de l'enquête . Néanmoins, c’est grâce au genre sentimental qu’il acquiert ses lettres de noblesse. Busch est pour sa part autant reconnu comme romancier que comme scénariste. Au cinéma il s’est distingué avec L'Incendie de Chicago, Le facteur sonne toujours deux fois et Angels Wash Their Faces , mais laisse cette fois les rênes de l’adaptation à son confrère.

Devant la caméra, c’est un Robert Mitchum encore peu habitué à abattre la carte de l’émotion qui se glisse dans l’un des rôles principaux, tandis qu’on retrouve Guy Madison dans l'uniforme du protagoniste. Ce dernier en profite pour délaisser les éternels westerns où on avait coutume de le voir. De son côté, Dorothy McGuire joue les veuves éplorées en apportant une touche féminine à la mise en scène. Bien que le titre français souligne la prédominance de son personnage, le titre anglais renvoie à la dimension ô combien dramatique de l’histoire. 'Jusqu’à la fin des temps', ce film devrait faire battre le cœur des cinéphiles !

Amoureuse en DVD au sein de la collection Trésors – Histoires de guerre, en cliquant ici