Sylvia Scarlett côté scénario : Qui sont les plumes de Cukor ?

De l’âge d’or hollywoodien, on retient les classiques, le nom des vedettes et des cinéastes oscarisés, mais on oublie souvent les scénaristes qui, en coulisses, ont œuvré à ce que la magie opère. Donnant naissance aux histoires qui ont fait rêver les spectateurs de l’époque comme le public d’aujourd’hui, ces plumes de l’ombre méritent qu’on s’y attarde. Édité en DVD au sein de la collection Patrimoine - Romances et Comédies romantiques, Sylvia Scarlett (1935) réunit trois coscénaristes pour transposer le roman original de Compton MacKenzie en long métrage. Focus.

Histoire avant-gardiste

Lorsque Sylvia Scarlett sort sur les écrans, au milieu des années 1930, ce film de George Cukor est trop en avance sur son temps pour trouver son public. À contre-courant du glamour enlevé des comédies romantiques, il utilise le décor de la romance pour explorer des enjeux sociétaux plus profonds, comme les inégalités homme-femme ou la difficile émancipation des classes modestes. Ces thématiques guident l’intrigue à travers l’incarnation bluffante que Katharine Hepburn fait de Sylvia Scarlett, héroïne de son propre destin. Un personnage moderne , dont la coupe à la garçonne était en premier lieu dédiée à son père, mais qui sera surtout une carte à jouer pour cette jeune femme indocile .

C’est Compton MacKenzie qui imagine la trame de l’histoire dès 1918 , en la couchant sur le papier dans un roman intitulé The Early Life and Adventures of Sylvia Scarlett . Un pamphlet contre la rigidité des dogmes sociaux que les libraires ont dû être tentés de classer au rayon 'livres amoraux'. L’auteur britannique deviendra célèbre dans un registre autrement plus léger, grâce au désopilant Whisky Galore ( Whisky à gogo , 1947), revisité par Mackendrick deux ans plus tard. Pour autant, c’est dans son portrait de Sylvia Scarlett qu’on lit la quiescence de son style contestataire. Orpheline de mère, celle-ci n’a d’yeux que pour son escroc de père. Devenant Sylvester pour l’accompagner dans ses combines, elle se grime en homme mais tout bascule quand elle rencontre le séduisant Jimmy ( Cary Grant )…

Trio de coscénaristes audacieux

Avec Cukor ( Une Étoile est née ) à la mise en scène, Pandro S. Berman ( Le Danseur du dessus ) à la production et Roy Webb ( L'Impossible monsieur Bébé ) à la composition musicale, l’adaptation est entre de bonnes mains. Encore faut-il que le script tienne la route. Le challenge : rester fidèle à l’œuvre première, tout en apportant un éclairage plus actuel à l’histoire, puisque près d’une vingtaine d’années séparent la publication du livre de la sortie du film . Un défi relevé à six mains par John Collier, Mortimer Offner et Glady Unger . Seule femme à l’écriture de Sylvia Scarlett , cette dernière n’est pas de son coup d’essai en matière d’adaptation littéraire : Dickens et Wharton sont à ce moment déjà à son répertoire. Ses confrères masculins sont, pour leur part, moins expérimentés.

Initiant John Collier au septième art, Sylvia Scarlett est le premier scénario d’un homme qui se spécialisera ensuite dans le genre du thriller , allant d’Hitchcock à Roald Dahl, au gré d’une trentaine de scripts. Enfin, Mortimer Offner , issu du théâtre, apporte la tonalité irrévérencieuse qui fait toute la saveur de Sylvia Scarlett . En marge de ses carrières de photographe et d’activiste politique , Offner était promis à un parcours cinématographique à succès, comme en témoigne sa participation au Quality Street (1937) de George Stevens, cité aux Oscars®. Mais le sort - ou alors serait-ce la puissante commission McCarthy ? - en ont décidé autrement. Mis au ban d’Hollywood pour communisme, le scénariste est contraint de poser sa plume. Avant ce désaveu, il aura écrit cinq films pour Katharine Hepburn – dont Désirs secrets – qui l’avait, elle-même, encouragé à travailler dans le cinéma.

Pour (re)découvrir Sylvia Scarlett , rendez-vous avec la collection Patrimoine – Romances et Comédies romantiques, en cliquant ici.