Avec Le Général casse-cou, la guerre est une farce

Genre maintes fois éprouvé, la comédie de guerre est un exercice qui peut se révéler « casse-gueule » s’il n’est pas suffisamment maîtrisé. Le Général casse-cou (1958) prouve qu’on peut rire intelligemment d’un épineux sujet – la Seconde Guerre mondiale – tout en délivrant un message qui donne à réfléchir : la galvanisation des troupes, mais à quel prix ? Abordant cette problématique avec délicatesse et beaucoup d’humour, George Marshall signe une pépite au charme intact. À retrouver en DVD au sein de la collection Trésors – Histoires de guerre .

Jeu de la guerre et du hasard

L’après-guerre a son plan Marshall, le septième art a George Marshall . Co-crédité à la réalisation de La Conquête de l'Ouest (1962) avec John Ford, Henry Hathaway et Richard Thorpe , il s’est perdu dans la nuée de cinéastes émérites de l’âge d’or hollywoodiens. Ce film triplement oscarisé sonne en effet comme un rendez-vous manqué dans la filmographie de George Marshall. Si l’histoire a oublié son nom, son œuvre demeure. 185 titres , pour un maigre palmarès comportant 2 citations (à la Mostra en 1938 et aux Laurel Awards une trentaine d’années plus tard) et 2 trophées honorifiques (le Bronze Wrangler des Western Heritage Awards et une étoile sur le Walk of Fame). Les académies remettantes seraient-elles aussi impitoyables que la loi guerrière sous-jacente au Général casse-cou ?

Sorti près de 15 ans après la fin du conflit, ce film s’adresse à une population qui porte encore les stigmates d’une guerre à la violence inégalée. On y découvre un officier d’un genre un peu particulier, le général du titre… étant en réalité sergent . Une confusion de grades savamment orchestrée par le principal intéressé, qui dupe ses camarades pour leur redonner de l’allant. Une motivation louable qui va toutefois entraîner une cascade de galères. Sous le képi étoilé, on retrouve Glenn Ford . Lui aussi très prolifique, il est apparu plus d’une centaine de fois à l’écran et ne manque pas d’insuffler son charisme raveur au personnage.

George Marshall et Glenn Ford : tandem complice

Sourire en coin et œil pétillant, l’acteur ne boude pas son plaisir à jouer les imposteurs en treillis. La clé de l’histoire tient à ce que ses frères d’armes savent, ou croient savoir, en opposition à ce que le spectateur sait. Un jeu de dupes qui permet à ce dernier d’avoir une longueur d’avance sur les personnages, guettant le moment où la supercherie éclatera au grand jour. Le titre VO, Imitation General , est éloquent. Cette même année 1958, Glenn Ford sera cité aux Golden Globes pour sa prestation dans La Vallée de la poudre , autre film de genre réalisé par Marshall, cette fois dans la catégorie western. Il est son acteur fétiche et, au total, les deux hommes tourneront 8 films ensemble entre 1941 et 1968.

Face au comédien aux tempes déjà grisonnantes, on retrouve un bataillon à la belle alchimie : Red Buttons et Dean Jones , dans l’uniforme des caporaux Derby et Sellers, John Wilder en lieutenant Clayton et Tige Andrews pour camper le soldat Hutchmeyer. Enfin, Taina Elg apporte sa touche de féminité en incarnant la jolie Simone. Côté coulisses, l’équipe artistique n’est pas en reste. Le roman original, Combat General , qui a inspiré le scénario de William Bowers (ex-journaliste consacré par La Cible humaine ) est également tombé dans l’oubli et demeure quasi-introuvable aujourd’hui. Son auteur, William Chamberlin , était à une lettre de partager le même patronyme que Neville Chamberlain, Premier ministre britannique aux prémices de la guerre. Retour à la case départ, puisque le quiproquo identitaire est justement ce qui fait tout le sel de cette histoire qu’on a plaisir à redécouvrir !

Le Général casse-cou , un film rare désormais disponible au sein de au sein de la collection Trésors – Histoires de guerre en cliquant ici.