Le Garçon aux cheveux verts : Joseph Losey, l’humaniste

Faisant partie des films sur lesquels le temps ne semble pas avoir d’emprise, Le Garçon aux cheveux verts (1948) est toujours actuel, près de 70 ans après sa sortie sur les écrans. Fort d’une mise en scène prégnante et des thèmes égalitaires et tolérants qu’il aborde, ce film est nécessaire à plus d’un titre. Au-delà de l’histoire du garçon aux cheveux verts qui lui donne son titre, ce drame engagé transmet une belle leçon de vie. Si les cinéastes aiment glisser des messages à portée universelle dans les œuvres qu’ils réalisent, Losey laisse s’exprimer l’humaniste qui est en lui avec ce long métrage essentiel dans sa carrière, puisqu’il s’agit de son tout premier. À l’occasion de l’édition DVD du Garçon aux cheveux verts au sein de la collection Patrimoine , retour sur ce film plein d’enseignements.

Un cinéaste engagé

Lorsqu’il passe son baptême de réalisateur, Joseph Losey a presque 40 ans et déjà conscience de la dureté du monde. Très marqué dans sa jeunesse par la crise de 1929, qui pousse des millions d’Américains à la ruine, il gardera de cette période un recul sur ce qu’il est important de préserver. À savoir les valeurs humaines , plutôt que ce qui est matériel, pouvant être réduit à néant du jour au lendemain par un krach boursier. Une philosophie de vie qui lui portera préjudice lorsque la commission du Sénateur MacCarthy s’intéressera à son cas, au début des années 1950, en raison de son affiliation affichée au Parti Communiste. Avant d’être dans son viseur, Joseph Losey entame sa carrière artistique au théâtre , puis se tourne vers le Septième Art , à la fin des années 1940.

Sur les planches ou au cinéma, son engagement se lit en filigrane des intrigues qu’il met en scène, comme ça sera le cas avec les films qui lui vaudront d’être consacré par ses pairs : The Servant (1963), Le Messager (1971) – Palme d’Or du 24e Festival de Cannes – et Monsieur Klein (1976). Pour autant, c’est dans les prémices de sa filmographie qu’il faut chercher la source de cet engagement, comme en témoigne le thème central du Garçon aux cheveux verts : le droit à la différence . Nous sommes en 1948 et, du contexte délicat d’après-guerre que connaît l’Europe, naît l’histoire de ce garçon, qui n’est pas sans rappeler le fameux vilain petit canard du conte éponyme.

Un film à la manière d’un conte

D’abord couchée sur le papier par Betsy Beaton , dans son roman pour enfants, cette histoire est transcrite au cinéma par Ben Barzman et Alfred Lewis Levitt . Fidèle à l’œuvre d’origine, le tandem de scénaristes traduit cette parabole sur le racisme et l’ouverture aux autres en un script, auquel Losey donne vie à travers l’objectif de sa caméra. Campant le rôle-titre, le jeune Dean Stockwell – futur Al de Code Quantum – prête ses traits à Peter Frye, un garçon devenu orphelin suite aux bombardements ayant frappé Londres pendant la Guerre. Livré à lui-même, il va faire la connaissance d’un artiste de cirque vieillissant, l’attachant Gramp ( Pat O'Brien ), qui le prend sous son aile et le scolarise auprès de Miss Brand ( Barbara Hale ), une institutrice attentionnée.

Mais les choses prennent une tournure bien plus compliquée lorsque les cheveux de Peter deviennent verts, sans que celui-ci ne connaisse la cause de ce phénomène pour le moins étrange. Sujet aux moqueries ses camarades, Peter crée le malaise partout où il passe et devient rapidement un paria. Rejeté de tous, l’orphelin ne sait toutefois pas encore quel extraordinaire destin l’attend… Faisant à la fois écho au conte de Peter Pan et à celui du Petit Poucet, Le Garçon aux cheveux verts est une ode à la singularité. En mettant cette thématique en scène à travers un film vibrant et onirique , Losey signe un premier long métrage qui lui ressemble et qui présage de la suite de son impressionnante carrière.

Un film à (re)découvrir en famille en DVD dans la collection Patrimoine en cliquant ici.