La Malédiction des hommes-chats : Ann Carter, graine d’actrice

Dans la nébuleuse des enfants-stars, il peut être difficile de se faire un nom et, surtout, de parvenir à ce qu’il perdure. Si Mickey Rooney et Judy Garland ont tourné jusqu’à la fin de leur vie – dont 10 fois ensemble – leurs prolifiques carrières font figure d’exception à Hollywood, réputé pour ne laisser que peu de chance aux graines d’acteurs. Judy Garland en fera elle-même les frais, en tirant sa révérence à 47 ans, broyée par le système. Dean Stockwell a quant à lui fait mentir l’implacable logique hollywoodienne, en devenant la star de Code Quantum , des décennies après sa révélation dans Le Garçon aux cheveux verts . Tenant le haut de l’affiche de La Malédiction des hommes-chats (1944) à 7 ans seulement, Ann Carter impressionne dans ce thriller fantastique coréalisé par le tandem Gunther von Fritsch / Robert Wise. À l’occasion de l’édition de ce classique idéal pour petits et grands dans la collection Patrimoine , retour sur le parcours de sa petite vedette blonde.

Un talent précoce

À l’instar de Veronica Lake, surnommée 'The Peek-A-Boo Girl' en raison de la chevelure en cascade qui dissimulait une partie de son visage, Ann Carter arbore une mèche qui masque partiellement son regard à l’écran, rabattue par une barrette dans La Malédiction des hommes-chats . Cultivant un certain mystère grâce à ce look à la fois angélique et énigmatique, la fillette marque les esprits. Pour autant, bien qu’elle y livre une interprétation restée chère au cœur des cinéphiles, Ann Carter n’a pas su se détacher de ce rôle pour donner l’élan nécessaire à sa carrière sur grand écran et restera toujours indissociable de l’intrigante Amy Reed .

Originaire de Syracuse , dans l’État de New York, Ann Carter est âgée de 3 ans lorsque sa mère, incitée par son médecin, décide de partir vivre sur la côte ouest avec sa fille pour raison de santé. D’abord installées à Palm Springs en Californie, toutes deux posent finalement leurs valises dans la banlieue de Los Angeles pour se rapprocher de la famille maternelle d’Ann. À cette époque, elle ne voit son père que par intermittences, ce dernier a de hautes responsabilités chez Chrysler et doit se partager entre Detroit et son foyer. Elle n’aura toutefois pas l’occasion de trouver le temps long puisque, déjà, son destin cinématographique se profile.

Une carrière brève mais intense

Sa mère, qui se rêvait comédienne mais dut se heurter à un refus catégorique de son propre père, transmet sa passion du théâtre à Ann. Fondant ses espoirs sur sa fille, elle ne tarde pas à voir la chance lui sourire quand un chasseur de têtes repère l’enfant lors d’un trajet en bus. Présentée au réalisateur et producteur Herbert Brenon , Ann, alors âgée de 4 ans , va ainsi faire ses premiers pas sur un plateau de tournage. Bien qu’engagée par Brenon pour Le Dernier des Duanes (1941), la fillette n’est pas créditée au générique. Qu’importe, sa carrière précoce est lancée et Ann Carter peut désormais jouer avec les acteurs chevronnés de l’époque.

L’année suivante, elle incarne la fille de Veronica Lake dans Ma femme est une sorcière et la prend d’emblée pour modèle ; d’autant qu’en coulisses tout est fait pour accentuer leur ressemblance, notamment en copiant la fameuse coiffure de Lake. À la fin de l’année 1942, le film de guerre Le Commando frappe à l'aube lui vaut de donner la réplique à Paul Muni et Lillian Gish et de prendre du galon. À 7 ans, elle prête ses traits à Amy Reed, la jeune héroïne de La Malédiction des hommes-chats . Nous sommes en 1944 et cette suite non-officielle de La Féline marque le point d’orgue de son bref parcours cinématographique, qui ne trouvera jamais de second souffle après ce film, à l’exception de sa participation à La Seconde Madame Carrolls (1947), porté par Humphrey Bogart et Barbara Stanwyck . Conclue en 1952 par une ultime apparition non-créditée, la carrière artistique d’Ann Carter a un goût d’inachevé, bien que sa seconde carrière d’enseignante lui ait permis de concrétiser sa véritable vocation.

La Malédiction des hommes-chats , à (re)découvrir en DVD dans la collection Patrimoine en cliquant ici.