Dorothy McGuire, l’amoureuse de Dmytryk

Avec sa pipe aux lèvres et ses cheveux gominés, Edward Dmytryk apparaît très classique sur les photos qui subsistent de lui. Pour autant, loin de se cantonner au cahier des charges de la romance – son genre de prédilection – le réalisateur d’Amoureuse ne se prive jamais d’ajouter quelques touches de subtilité à sa mise en scène. Une approche toute en nuances, qui transparaît de ce long métrage au même titre que de la cinquantaine d’autres qu’on lui doit. Deux ans plus tôt, Adieu, ma belle posait sa patte, avec Dick Powell et Claire Trevor en têtes d’affiche. Ici, la muse du cinéaste s’appelle Dorothy McGuire .

Henry Fonda comme mentor

Campant l’amoureuse du titre ( Till the End of Time en VO), Dorothy McGuire offre une belle intensité à son personnage. Dépassant un statut de faire-valoir qui a pu lui coller à la peau jusque-là, elle incarne la dévouée Pat Ruscomb , face à un Robert Mitchum qui joue les soldats aux prises avec un syndrome de stress post-traumatique. Née à Omaha (Nebraska) la petite Dorothy est fille unique. De 11 ans son aîné, Henry Fonda va la pousser à se lancer, comme lui, dans le théâtre. La jeune femme n’a pas la vingtaine quand elle se lance sur les routes américaines, pour une tournée à travers le pays.

Ce baptême des planches fait d’itinérance lui permet de se confronter à un public différent chaque soir et de travailler son style. Forte de cette expérience formatrice, Dorothy McGuire tient son premier rôle théâtral d’importance dans A Kiss For Cinderella , qui lui vaut de donner la réplique à son « mentor » et ami, Henry Fonda. Campant Claudia dans la pièce éponyme de Broadway , l’actrice est toute désignée pour reprendre son rôle sur grand écran, quand Edmund Goulding monte le projet d’adaptation cinématographique. Elle fait ainsi ses débuts au cinéma en terrain connu puisque le personnage n’a aucun secret pour elle.

Débuts prometteurs

Commencer sa carrière par un rôle-titre est plutôt de bon augure, surtout quand le succès du film donne lieu à une suite ( Claudia and David , 1946). Entre-temps, la belle Dorothy imprègne son visage sur la pellicule du Cottage enchanté (1945), puis opère un virage plus dramatique en rejoignant, dans la foulée, la distribution du Lys de Brooklyn , film poignant signé Elia Kazan . Après un passage par la case thriller horrifique en 1946 avec Deux mains, la nuit , la comédienne peut laisser éclater toute l’entendue de son talent dans Amoureuse . Une œuvre bouleversante, à mi-chemin entre drame sentimental et film de guerre.

La sortie d’Amoureuse correspond à une période faste pour Dorothy McGuire, qui est citée à l’Oscar® de la meilleure actrice pour Le Mur invisible (1947). Sur les 55 titres que comptent sa filmographie, moins de la moitié sont dédiés au cinéma, le reste correspondent à des rôles ponctuels dans des séries télévisées. La reconnaissance critique et académique qu’elle a obtenue en 1956 pour La Loi du Seigneur sonne comme un chant du cygne, car l’actrice ne travaillera guère plus que pour la télévision après ce film historique, qui repart de la Croisette avec la Palme d’Or. Les grands yeux clairs de Dorothy McGuire, surmontés de sourcils en accent circonflexe paraissant toujours interrogatifs demeurent, eux, éternels.

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