Écrivains à Hollywood : Derrière le masque de Peter Lorre

Aussi changeant qu’insondable malgré la centaine de rôles qu’il a incarné au cinéma, Peter Lorre fait partie des comédiens les plus captivants de sa génération. Prolifique et passionné, il a imprégné sa marque sur le Septième Art, en multipliant les registres et les collaborations. Ne correspondant en rien à l’archétype du héros hollywoodien, il a utilisé sa différence comme un atout, faisant sa spécialité des personnages ombrageux et anti-manichéens.

Un crédo qui lui a valu d’être choisi par Jean Negulesco pour prêter ses traits au protagoniste du thriller qu’il met en scène en 1944 : Le Masque de Dimitrios. Une fois n’est pas coutume, Peter Lorre accepte d’être sur le devant de la scène pour camper un écrivain lancé dans une enquête des plus mystérieuses, sur les rives du Bosphore. Un personnage imaginé par Frank Gruber, l’un des maîtres du polar américain. À l’occasion de la sélection de ce film dans la collection Écrivains à Hollywood des Trésors Warner, redécouvrez qui était véritablement Peter Lorre.

Né au cœur de l’Empire austro-hongrois – une quinzaine d’années avant qu’il ne disparaisse au sortir de la Première Guerre mondiale – Peter Lorre connaît une enfance difficile. Tandis que son père, militaire réserviste, est souvent absent, le garçon perd tragiquement sa mère à l’âge de 4 ans. Un drame qui le marquera à jamais et qui expliquera le manque de stabilité dont il a souffert à l’âge adulte. Accueillant toutefois plutôt bien le remariage de son père avec la meilleure amie de sa mère, Peter – qui s’appelle encore László – goûte à la vie en famille nombreuse : à la fratrie de trois enfants qu’il forme avec ses deux frères cadets, s’ajoutent deux demi-frères et sœurs.

Installée à Vienne au début des années 1910, la « tribu » aspire à trouver une vie meilleure et ça va être le cas pour Peter Lorre qui, devenu adolescent, découvre la vie culturelle autrichienne avec un mélange de plaisir et de curiosité. C’est à 17 ans qu’il fait ses premiers pas sur les planches. En fréquentant les milieux intellectuels, il comprend que découvrir l’Europe serait un vrai coup de pouce pour la carrière artistique à laquelle il rêve désormais. Après une escale en Allemagne, il passe par la Suisse, avant de poser ses valises à Berlin, alors en pleine effervescence créative. Faisant la connaissance de Brecht, qui l’initie au cercle théâtral berlinois, il tente de percer au cinéma en faisant deux apparitions mineures et décroche le rôle de la consécration dès sa troisième tentative, grâce à Fritz Lang, qui lui offre le rôle-titre d’M le Maudit (1931).

Avec ce rôle de composition d’un tueur d’enfant, qu’il incarne avec une saisissante émotion, Peter Lorre impressionne la critique et prouve qu’il a déjà tout d’un grand. Contraint de fuir l’Allemagne nazie dès l’accession d’Hitler au pouvoir en 1933, Peter Lorre se réfugie à Paris, puis Londres – où il côtoie brièvement Hitchcock – avant de franchir l’Atlantique pour vivre le rêve hollywoodien. Dès lors, les portes du succès s’ouvrent à lui. Au cours de l’Âge d’Or du cinéma américain, on le retrouve dans une pléthore de rôles secondaires devenus iconiques. Parmi ses films les plus marquants, on peut citer Le Faucon maltais, Casablanca, Arsenic et vieilles dentelles ou encore 20.000 lieues sous les mers.

Au milieu des années 1960, rongé par sa dépendance à la morphine et la vie dissolue qu’il a menée en devenant célèbre, le comédien succombe à un AVC. Il tire sa révérence, en laissant derrière lui une carrière à la fois empreinte de mystère et intemporelle, immortalisée par une étoile sur le Walk of Fame et la grande influence qu’il continue d’avoir auprès de la génération de cinéastes actuels ; à l’instar de Tim Burton qui lui glisse un clin d’œil via un caméo animé dans les Noces Funèbres.

Pour rappel, la collection Écrivains à Hollywood est disponible actuellement en édition DVD et exclusivement sur le portail officiel de la boutique Warner !