Citizen Kane : 75 ans et toujours inégalé

Pas besoin de se rendre sur Rotten Tomatoes pour constater que Citizen Kane (1941) enregistre 100 % de satisfaction auprès de la critique. Rarement un film aura autant fait consensus. Quintessence du septième art et du génie d’Orson Welles , il est considéré comme le plus grand film de tous les temps, notamment par l'American Film Institute. Le premier long métrage d’un jeune homme de 26 ans , qui s’érige en maître de la pellicule, bousculant le 'cinéma de papa' d’un Hollywood engoncé dans les codes du film noir. Casablanca ne sortira qu’un an plus tard, mais l’âge d’or a déjà trouvé son meilleur ambassadeur. Cette année, on souffle la 75e bougie de ce chef-d’œuvre inégalé.

« Rosebud »

Cette réplique culte , prononcée en ouverture de Citizen Kane donne le ton, celui de la mélancolie. D’un tempérament prolifique, Orson Welles prend à la fois les manettes de la mise en scène, du scénario – qu’il coécrit avec Herman J. Mankiewicz , le frère de Joseph L. – et de la production, tout en incarnant lui-même le rôle-titre. Biopic mélodramatique inspiré du magnat de la presse William Randolph Hearst , cette œuvre titanesque bénéficie d’un confortable budget, acquis grâce à un coup de maître.

En effet, bien que novice au cinéma, Orson Welles s’est déjà taillé une réputation auprès du public américain en le piégeant sur les ondes de CBS, la veille d’Halloween 1938. La supercherie de grande ampleur qu’il a imaginée est celle d’une invasion extraterrestre , à grand renfort de bruitages et d’interviews simulées de 'témoins' apeurés. L’audace, le culot et le talent sont les moteurs d’Orson Welles, qui a d'abord concrétisé sa vocation au théâtre , en montant plusieurs pièces, avant de conquérir les studios hollywoodiens.

Œuvre inspirante

Retraçant la vie de son protagoniste, de l’enfance jusqu’à la mort, au moyen de flash-backs et de procédés stylistiques qui n’appartiennent qu’à lui, Orson Welles ne s’interdit rien. L’attaque en justice d’Hearts, qui remuera ciel et terre pour mettre la main sur toutes les bobines du film et empêcher sa sortie n’y changera rien. Filmé avec une caméra Mitchell BNC encore à l'essai (dont un exemplaire original est actuellement exposé à la Cinémathèque française de Paris), Citizen Kane compte le chef-opérateur Gregg Toland à son générique. L’histoire l’a oublié, pourtant il suffit de regarder l’incomparable photo du film pour que sa maestria saute aux yeux.

Résolu à ce que l’image fixée sur la pellicule corresponde en tout point à celle qu’il a en tête, Welles décide ni plus ni moins de découper le plancher de la salle de banquet pour filmer les convives dans une contre-plongée vertigineuse et inédite . Une manière de restituer la dramaturgie shakespearienne qui lui tenait tant à cœur et qui accompagnera l’ensemble de son œuvre, jusqu’à Falstaff (1965), peut-être son hommage le plus vibrant et le plus incompris au dramaturge britannique. À la fois anti-conventionnel et ultra-maîtrisé , le résultat est sans appel. Bien que Citizen Kane ne décroche qu’un Oscar®, le plébiscite qui a cours depuis 75 ans donnera raison à Welles. Avec ce film, c’est un nouveau mythe du cinéma qu’il bâtit, en cassant le cadre établi pour mieux le reconstruire, avec sa propre grammaire et toute la poésie dont il était doué.

Réalisateur d’une dizaine de longs métrages, auteur d’une cinquantaine de scripts et interprète de plus de 120 rôles, l’inlassable Orson Welles a dédié sa vie au monde de l’art. Homme de théâtre, de littérature, de radio et de cinéma, il laisse derrière lui une œuvre aussi immense que le mastodonte que retient la mémoire collective.

Citizen Kane , à (re)découvrir en coffret prestige Blu-ray™ DVD accompagné de nombreux bonus et d’un livret de 84 pages, disponible en cliquant ici.

Également disponible, le coffret DVD Orson Welles contenant Citizen Kane et La Splendeur des Amberson (1942) , en cliquant ici.

Pour aller plus loin, l’excellent documentaire This Is Orson Welles (coproduit par TCM Cinéma) est aussi une formidable mine d’informations !